Olivier Fortin, un ancien patient qui croit tellement au soutien par les pairs qu’il est devenu assistant de recherche.
Cet article est extrait du CHUMAGAZINE – Été 2019
Olivier Fortin a l’habitude des caméras. Agent de recherche au CEVARMU*, où il a aussi été patient ressource, il se sert d’un système de vidéoconférence spécialisé pour soutenir des patientes et patients qu’il accompagne après leur départ du CHUM. Comme lui, ces personnes ont subi une amputation traumatique à la main et reçu des soins de réimplantation ou de revascularisation microchirurgicale d’urgence à la Clinique de la main du CHUM.
Olivier Fortin vit d’ébénisterie artisanale quand, en 2013, sa vie bascule: le petit doigt et le pouce de sa main gauche sont emportés dans un accident de travail sur un banc de scie; les autres doigts subissent une lacération importante. Opération de réimplantation du petit doigt réussie (mais pas du pouce) et réadaptation s’ensuivent, dans un long parcours où il doit apprendre à accepter la situation et revoir son choix de carrière, un choc post-traumatique l’empêchant de retourner sur des machines-outils. Un drame que quiconque trouverait difficile à surmonter.
« Parler à quelqu’un ayant surmonté une épreuve comme la mienne m’aurait aidé à me sentir moins seul et à mieux progresser dans ma guérison physique et mentale, raconte-t-il. C’est pourquoi j’ai accepté l’offre de Josée Arsenault [ergothérapeute et alors coordonnatrice du CEVARMU] de me joindre au centre comme patient ressource, dans le cadre d’un projet-pilote. » Avec elle et en collaboration avec la Dre Marie-Pascale Pomey, une chercheuse au Centre de recherche du CHUM convaincue de l’importance du rôle des patientes ressources et patients ressources, il se jette à l’eau.
Depuis environ cinq ans, Olivier Fortin rencontre des patientes et patients à raison de deux ou trois par semaine, à l’hôpital, dans les jours suivant leur opération. Par la suite, il les revoit au moins deux fois. S’ils viennent de l’extérieur de la région, ils se rencontrent par la plateforme de télésanté sécurisée REACTS.
Se voir conserve ce lien de proximité développé avec la personne à l’hospitalisation, au point d’en oublier la distance: «Tout est possible soudainement, c’est magique comme outil de communication! Peu importe d’où vient la patiente ou le patient, on peut rester en contact, répondre à ses questions ou vulgariser certaines informations plus techniques si nécessaire, etc. Et, surtout, elle ou il est capable de voir une main guérie et, ainsi, de mieux se projeter dans sa propre guérison. »
Il souligne que le simple fait d’avoir un vécu similaire crée une proximité avec les patientes et patients. Cela facilite les échanges et permet de faire le pont avec l’équipe de soins sur des éléments partagés. «Par exemple, les équipes n’avaient pas conscience de la honte que je ressentais parce que je me sentais responsable de mon accident, souligne-t-il, alors que c’était l’élément le plus lourd que j’avais à porter; maintenant, on en parle grâce au projet pilote. »
Olivier Fortin fait le point avec une ou un membre de l’équipe soignante avant et après chaque rencontre avec une personne qui lui est attitrée; il consigne aussi ses remarques dans un rapport qu’il a conçu et informatisé pour le CEVARMU. Son vécu apporte donc une expertise complémentaire précieuse pour l’équipe.
Si vous le croisez dans les corridors du CHUM, il pourra certainement partager avec vous certaines histoires touchantes. Par exemple, la fois où un homme qu’il avait soutenu a voulu le revoir lors d’un passage à Montréal. Ou encore, celle où un patient, complètement découragé, avait renoncé à ses soins et refusait de voir l’équipe soignante, mais avait accepté de lui parler, pour finalement, dans les jours suivant leur rencontre, remonter la pente et recommencer ses soins de réadaptation.
L’intérêt d’Olivier Fortin pour aider son prochain et son parcours l’ont porté à devenir assistant de recherche dans le cadre d’une étude randomisée en cours, PAROLE-CEVARMU, qui vise à documenter et évaluer de manière rigoureuse les répercussions des interventions des patientes ressources et patients ressources.
« Olivier, c’est un dieu, il est dévoué, et tout le monde apprécie ce qu’il fait », insiste Marjorie Laberge, une ergothérapeute qui travaille avec lui. Le principal intéressé, en toute humilité, dira plutôt qu’il n’est qu’un facilitateur de communication…
* CEVARMU : Centre provincial d’expertise destiné aux personnes victimes d’une amputation traumatique ou nécessitant une revascularisation microchirurgicale d’urgence.
« L’équipe de chirurgie du CHUM fait vraiment du travail incroyable! Regarde ma main: jamais je n’aurais pensé, la première semaine, qu’un jour elle aurait l’air presque normale. »
— Olivier Fortin à Charles Mathieu, lors de leur première rencontre, deux jours après qu’un accident de travail ait presque arraché un doigt au jeune homme de 18 ans. Dans quelques semaines, ils se reverront probablement pour un suivi à distance, par le truchement d’un système de vidéoconférence spécialisé.
Une patiente ressource ou un patient ressource est une personne soignée au CHUM qui, pour améliorer la qualité des soins et services, est invitée à partager sa propre expérience avec des professionnelles et professionnels de la santé du CHUM (son expérience à l’hôpital au moment où elle a reçu des soins ou sa vie avec la maladie).
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