Les approches en santé évoluent à une vitesse incroyable, plusieurs nouvelles technologies et innovations voient le jour, mais un courant commun prévaut, celui d’une médecine plus personnalisée. En oncologie, comment cette évolution se traduit-elle? Elle passe, entre autres, par l’implication des patients dans la recherche clinique, l’utilisation de ses mécanismes de défense dans le traitement (immunothérapie) ainsi que par une approche plus ciblée et précise de la radiothérapie et chimiothérapie.
Recherche, examens diagnostiques, traitements d’aujourd’hui et de demain : les spécialistes et les professionnels du Centre intégré de cancérologie du CHUM (CICC) travaillent à faire évoluer les pratiques cliniques. Ils ont d’ailleurs présenté un tour d’horizon des progrès dans le domaine, lors de l’événement Innove-Action qui s’est tenu du 13 au 15 novembre dernier.
Le CICC est un centre suprarégional dans les spécialités et le traitement de cancers complexes reconnu par la Direction générale de cancérologie du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Démystifier la recherche clinique
Qu’est-ce qu’une recherche clinique? Quelles sont les différentes étapes ainsi que le parcours type auquel devrait s’attendre un patient? Le patient a-t-il bien compris ce qu’une participation à un projet de recherche implique?
« Il est primordial que les patients désirant participer à quelque projet de recherche que ce soit comprennent bien l’implication que cela exige, les rendez-vous, l’investissement personnel, et les risques pouvant découler de chacune des étapes », a expliqué la DreRahima Jamal, hémato-oncologue spécialisée en recherche clinique et en cancer de la peau au CHUM, professeure adjointe de clinique à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.
Le consentement éclairé du patient est un enjeu et une priorité. L’impliquer dans son processus de soins est essentiel. « Les patients doivent être bien informés des risques. Il faut leur donner l’heure juste. Obtenir un consentement éclairé ne se fait pas en quelques minutes, il faut prendre le temps nécessaire. Il est même préférable de leur accorder une période de réflexion avant la prise de décision », a-t-elle ajouté.
L’immunothérapie : comment activer notre propre système de défense pour combattre le cancer?
L’immunothérapie est bien plus ancienne qu’on le pense. Il y a une centaine d’années, un médecin a réalisé qu’en infectant les patients, on réactivait le système immunitaire faisant par le fait même diminuer la tumeur. Toutefois, l’arrivée, à la même époque, de la radiothérapie, un traitement plus rapide, a freiné le déploiement de cette innovation.
L’immunothérapie est réapparue pour traiter la leucémie et continue depuis de faire ses preuves dans le traitement de plusieurs types de cancers. L’immunologiste James Allison a d’ailleurs remporté, cette année, le prix Nobel de médecine pour ses travaux sur l’immunité anticancéreuse.
Selon le Dr Bertrand Routy, hématologue, l’immunothérapie permet aux cellules du corps de combattre plus efficacement les cellules cancéreuses. « Le cancer est intelligent et trouve des astuces pour combattre le système immunitaire. On s’est rendu compte que les cellules autour de la tumeur dormaient. En les réveillant, on pouvait réactiver le système immunitaire et continuer à ʺmangerʺ la tumeur. L’immunothérapie vient réactiver le système immunitaire.»
Encore méconnue, l’utilisation de nos propres bactéries intestinales se révèle être une avenue prometteuse dans la réponse du corps humain au traitement de l’immunothérapie. Le microbiome intestinal joue un rôle important dans le traitement du cancer, à en croire le Dr Bertrand Routy. « Nos recherches démontrent que nos bactéries internes peuvent s’avérer très utiles dans le traitement d’immunothérapie et la prévention du développement de cellules cancéreuses. »
En collaboration avec des experts mondiaux, les équipes du CHUM et du CRCHUM travaillent activement à faire progresser la recherche dans ce secteur. « L’immunothérapie est maintenant de plus en plus prescrite en première ligne pour presque tous les cancers. Ce que nous faisons au CHUM avec les Drs Turcotte et Lapointe, c’est d’enlever les cellules immunitaires autour de la tumeur, de les stimuler, et les réinjecter dans le patient. »
Pour mieux comprendre l’immunothérapie, découvrez les explications du Dr Réjean Lapointe, chercheur au CRCHUM (crédit : Merck au Canada) :
Les effets indésirables de l’immunothérapie
Bien que très prometteuse, « l’immunothérapie, comme les autres traitements conventionnels de chimiothérapie, exige certaines précautions en raison de certains effets secondaires indésirables et d’interactions médicamenteuses », comme le soulignait Nathalie Letarte, pharmacienne en oncologie au CHUM et professeure agrégée de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.
Comment mieux cibler les traitements de radiothérapie?
La radiothérapie, qui existe depuis longtemps, a prouvé son efficacité pour réduire les tumeurs cancéreuses et combattre le cancer. De nouvelles avancées permettent de mieux cibler le traitement et ainsi de limiter les dommages aux cellules saines environnantes. « Dans nos nouvelles approches, nous tentons d’administrer la dose prescrite à la tumeur tout en réduisant maximalement la dose aux organes sains, par la combinaison des techniques d’imagerie DECT/DSCT», explique la Dre Houda Bahig, radio-oncologue au CHUM.
Le DECT permet notamment d’automatiser l’identification et la quantification du contraste iodé et d’obtenir une cartographie du volume sanguin régional relatif dans les différents organes à risque. « Notre hypothèse est qu’une approche innovatrice d’évaluation et de segmentation, à la fois anatomique et fonctionnelle des organes à risque, permettrait de diminuer la dose au volume fonctionnel et ainsi réduire des toxicités de la radiothérapie. Il s’agit des premières études cliniques sur l’utilisation du DECT/DSCT en radio-oncologie et de la première application du DECT dans le domaine de l’imagerie fonctionnelle. »